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Nos Voisins Lointains 3.11

Néanmoins, la vie doit continuer.

Ce que je pense :

Au mois de mars l’année prochaine, l’ordre d’évacuation de village d’Iitate sera levé. Toutefois, en retournant au village, on ne se sentira pas en paix. Cela ne signifie pas que les matières radioactives ont disparu. Après 5 ans d’évacuation, notre corps et esprit se sont attachés à l’environnement d’évacuation bon gré mal gré.

Les jeunes s’adaptent facilement au nouvel environnement. Mais pour les personnes plus âgées, il y aura de stresse tout comme à l’évacuation.

Personne ne peut échapper au stresse soit en retournant au village d’Iitate, soit en émigrant à un nouveau lieu.

Beaucoup de gens, incluant ma grand-mère disent : « Je me sens détendu en revenant au logement temporaire. »

Cela nous montre le poids de 5 ans d'exil.

Cela signifie que c'est le logement temporaire qui est devenu notre havre. La levée de l’ordre d’évacuation ne diminue pas le stresse. Un nouveau type de stresse et de problème vont peser sur les villageois.

On va répéter la même chose. Ainsi que cela s’est passé avec l’évacuation, nous allons faire des allers-retours entre le logement temporaire et le nouveau lieu de résidence afin de nous habituer petit à petit.

Oui, nous n’avons d’autre choix que nous habituer.

La levée de l’ordre d’évacuation ne résout pas les problèmes suite à l’accident nucléaire. L’accident ne produit que des situations sévères au sein de la communauté, des personnes et de la nature. Le pareil sinistre, même une seul fois, c’est déjà une fois de trop.

Les média ne reportent que des choses positives. Je ne nie pas les efforts positifs des gens qui font face à leur destin après un temps si amère. C’est aussi une réalité.

Cependant, des faits négatifs, à côté d’innombrable faits connus à une population restreinte, semblent être négligés, voire censurés, rendant la publication médiatisée intentionnellement positive.

Par exemple, la nouvelle de « la levée de l’ordre d’évacuation du village d’Iitale au mois de mars l’année prochaine » était à la une à la veille de la réunion de consultation des résidents. Les titres des articles suggéraient que tout le problème était résolu avec la levée de l’ordre.

Combien de lecteurs songeaient-ils au trouble des habitants négligé par les journaux ?

Avec la levée de l’ordre d’évacuation, tout le problème sera considéré comme résolu et révolu. Cependant, des problèmes persistent. Ainsi que j’ai mentionné ci-dessus, il y aura d’autres problèmes qui remplacent les anciens.

Les effets de l’accident nucléaire ne viennent pas à terme si simplement. C’est à graver dans le cœur.

Ce problème concerne-t-il seulement les sinistrés ?

C’est aussi le problème de la ville qui utilisait l’électricité* produite par la centrale accidentée.

Je suis invité en dehors du département de Fukushima plusieurs fois par an pour parler au public.

Souvent, on me demande : « Que pouvons nous faire ? Que devrons nous faire ? »

Je pense que la réponse réside dans le cœur de chacune et chacun, dans la situation où se trouve la personne.

Il faut que chacun réfléchisse lui-même pour trouver sa réponse.

Toutefois, si j’ose suggérer…

Je vous demanderais de faire des choses simples autour de vous.

Par exemple, la question de tri des déchets ménagères ou de dumping illégal dans la nature.

La gestion de déchets constitue un problème social important pour les pays de consommation comme le Japon. Songez aux victimes de pollution cachées derrière ce problème. Pensez à la consommation d’électricité dans des sociétés de consommation, de capitalisme et des produits jetables. C’était un grand problème de fournir la lumière d’une ville gigantesque avec un établissement de haut risque. Derrière cela, c’est une région rurale qui est devenue victime.

Quand vous cultivez les plantes et les légumes vous-même, vous pouvez vous rendre compte des efforts consacrés, et vous pouvez être plus reconnaissant.

Sachez que les aliments dans le supermarché sont les résultats d’efforts et d’amour constants déployés par les agriculteurs.

Ceux-ci ont du abandonner et détruire les légumes, le bétail, les produits laitiers, bref toutes sortes de vie. Celles-ci sont victimes d’évacuation. Imaginez leur émotion quand les agriculteurs ont du détruire tout ceux qu’ils avaient cultivés soigneusement, et voir le bétail partir aux abattoirs.

C’est tout cela. L’accident nucléaire et la contamination de la terre.

Une fois survenu, on ne peut pas avoir une solution simple.

Et on ne peut jamais retrouver l’état d’origine. C’est cela l’accident nucléaire.

Néanmoins, la vie doit continuer.

Que faire pour cela ? Chaque jour, on décide, on hésite, on s’angoisse, et pourtant le temps passe, et il faut continuer de vivre.

Que feriez vous si un jour tout d’un coup vous êtes privé de votre ville et de votre vie, et vous apprenez que vous ne pouvez plus les récupérer ?

A nos jours où nous ne pouvons pas savoir quand un désastre survient, y compris une catastrophe naturelle, je vous prie de prendre cinq minutes, ou même une, pour réfléchir sur votre environnement.

Note trad : C’est Tokyo qui utilisait l’électricité produite par la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. La population de Fukushima n’en bénéficiait pas.

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Publié dans Weltgeist Fukushima, le 31 août 2016

Masaaki SAKAI est originaire d’Iitate. Après avoir travaillé à Tokyo, il est retourné à Iitate pour travailler dans une usine de fabrication des vêtements féminins gérée par un ami. Il a perdu tout son projet avec la catastrophe du 11 mars 2011. Il fait partie du bureau du groupe de demande ADR (Résolution alternative des conflits), mettant en cause la responsabilité de TEPCO.

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