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Nos Voisins Lointains 3.11

Vœu d'un enfant à la fête des étoiles

Ma fille, actuellement en maternelle, a rapporté deux tanzaku à la maison (NTR Un tanzaku est une petite carte au format portrait utilisée à l'origine pour écrire des poèmes. De nos jours, il est davantage utilisé pour exprimer ses vœux les plus chers à l’occasion de la fête de Tanabata - fête des étoiles). Il paraît qu’elle doit y rédiger ses vœux.

Nous avons fui Fukushima pour nous réfugier ici, à Osaka. Débordée, la mère demande à son fils de 7 ans : « hé, fiston, t’es déjà en deuxième année scolaire (NTR équivalant de CE1). Peux-tu aider ta sœur à écrire ses vœux sur les tanzaku ? »

« Oui, maman » (Et au final il a tout écrit lui-même !)

J’ai emmené sa sœur, âgée de 4 ans, aux portes ouvertes de l’école primaire où étudie son frère. Elle semblait admirer la vie à l’intérieur de l’école. Elle a ainsi écrit sur le tanzaku qu’elle irait à l’école le plus tôt possible. Jusque-là, la réaction est toute banale, propre à tous les enfants. Son vœu me semble également être influencé par le fait d’avoir un grand frère déjà scolarisé.

Pour la deuxième tanzaku, apparemment il fallait exprimer ses vœux autour du concept de la famille.

Mon fils a de nouveau écrit à la place de ma fille…

En effet, avant de rédiger ses vœux, il m’a demandé comment s’écrivait « radioactivité » en idéogramme. Je me demandais ce qu’il voulait écrire… et voilà :

« Je souhaite que toute la radioactivité concentrée à Fukushima s’évapore pour que je puisse rentrer chez moi. »

Ce qui est plus frappant n’est pas la dernière partie, où il affirmait son souhait de rentrer à Fukushima, mais le début de la phrase.

Il veut y retourner, à condition qu’il n’y ait plus de risques de radioactivité.

J’ai l’impression qu’aujourd’hui on ne réalise plus que ce point est primordial… ou c’est peut-être toujours le cas depuis 4 ans…

Or, même un enfant de 7 ans comprend les choses.

Il ne peut pas rentrer à Fukushima, qui n’est plus l’endroit accueillant qu’il était avant le 11 mars.

Si on pouvait retourner en arrière avant ce fameux 11 mars, on se rendrait là-bas avec entrain, tous ensembles.

Parmi les tanzaku des amis où étaient écrits ces mots

« Je veux être une personne gentille »

« Je veux avoir plein d’amis »

« Je veux être à l’aise en mathématiques »

celui de mon fils de l’année dernière disait « Je souhaite que ma famille soit à nouveau réunie, car mon papa habite à Fukushima ». L'année d'avant il a écrit: « Je souhaite que l’eau, la terre, et l’air non pollués soient présents à nouveau à Fukushima, afin que je puisse y retourner le plus tôt possible »…

A chaque événement, petit à petit je laisse savoir au public que nous sommes des réfugiés de Fukushima.

Je n’ai jamais été cible de brimade et je n'ai jamais eu une l’impression d’être exclue.

Les parents ou professeurs, qui ont pris conscience, nous adressent de temps en temps des mots de bienveillance… Durant ces quatre années d’asile, toute cette gentillesse m’a grandement encouragée.

J’ai amené mes enfants, quand ils avaient respectivement 0 et 3 ans. Ils parlent maintenant le dialecte d’Osaka. Vu de l'extérieur, aucune différence n’apparait entre eux et les autres enfants de la population de souche d’Osaka. Néanmoins, ils sont nés à Fukushima, et grandissent en tant qu’enfants de Fukushima.

Mon vœu le plus cher pour mes enfants serait qu’ils deviennent forts, intelligents, et courageux… et avant tout, je veux qu’ils grandissent sains de corps et d’esprit.

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Publication datée du 26 juin 2015 dans Facebook de Mme Akiko MORIMATSU, mère déplacée à Osaka depuis Koriyama (dans la préfecture de Fukushima), représentant des plaignants du procès de la région de Kansai contre la TEPCO et l'Etat.

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